Tenue du Forum sur la paix et la sécurité au Moyen-Orient à Duhok
Le 20 novembre 2023, le Forum sur la paix et la sécurité au
Moyen-Orient (MEPS) s'est ouvert à l'Université américaine de Duhok, en
présence du Président de la Région du Kurdistan, Nechirvan Barzani, du Premier
ministre du Gouvernement régional du Kurdistan, Masrour Barzani, et de nombreux
hommes politiques, universitaires et chercheurs du monde entier. Ce forum a pour but de discuter des questions de paix et de sécurité au Moyen-Orient, et d'identifier des solutions aux défis de la région. Des politiciens et des experts se réunissent donc afin de partager leurs points de vue durant différentes sessions et panels.
Le Premier ministre Masrour Barzani, également président du
conseil d'administration de l'Université américaine de Duhok, a inauguré le
forum par le discours suivant :
Chers dirigeants, chers universitaires, chers invités,
Mesdames et Messieurs,
Bonjour,
Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui se sont
rassemblés ici pour la quatrième réunion du Forum sur la paix et la sécurité au
Moyen-Orient.
Une fois de plus, nous sommes rejoints par un groupe
impressionnant d'universitaires, de chefs d'entreprises et de décideurs, qui
ont tous une connaissance approfondie de notre région et une volonté commune de
relever les nombreux défis qui s'y posent. Les épreuves auxquelles nous sommes
confrontés en tant que nations et en tant que peuples restent complexes.
L'ordre du jour établi par les organisateurs de la
conférence n'hésite pas à aborder un formidable éventail de questions
auxquelles nous sommes tous confrontés. Des sujets tels que le changement
climatique, les migrations de masse, l'extrémisme et ses moteurs, la durabilité
et les systèmes de gouvernance sont tous soumis au débat. Et je m'attends à ce
que certaines des discussions menées ici éclairent la prise de décision et les
choix politiques.
Je me réjouis de la participation régionale à cette
conférence. À nos amis qui ont fait le déplacement depuis les États voisins et
au-delà, je souhaite la bienvenue et me réjouis d'approfondir nos engagements.
Votre présence ici affirme votre engagement en faveur du dialogue. Que ce soit
à l'échelle locale ou mondiale, rien ne remplacera jamais le fait de s'asseoir
autour d'une table pour trouver des solutions aux problèmes. Nous devons
continuer à nous rencontrer et à débattre.
Chers amis,
Nous devons également être prêts à reconnaître que
certaines des questions qui seront débattues ici sont existentielles pour nous
tous. Le réchauffement climatique entraînera des conséquences cruelles pour
notre partie du monde, et sera source d’insécurité alimentaire, de pénurie
d'eau et de migrations massives. Il ne s'agit pas d'un problème à repousser
dans le temps. Il se produit dès aujourd'hui. Les vagues de chaleur sont plus
fréquentes. Les inondations sur nos terres sont plus fréquentes et nous devons
creuser des puits plus profonds pour trouver de l'eau. Des indications récentes
montrent que les prévisions de hausse des températures au Moyen-Orient seront
bien en deçà de la réalité. Nous devons mieux gérer les émissions de carbone.
Nous avons toutes les raisons d’agir vite.
Ce n'est pas le moment de fuir nos responsabilités. Nous
devons agir dans l'intérêt collectif, en tant que citoyens avant tout. Le
Kurdistan n'échappera pas aux effets du réchauffement climatique au Koweït, à Bahreïn
et à Bassorah. Nous avons un destin climatique commun.
Notre humanité exige que nous fassions face à une planète
qui se réchauffe, tout comme aux scènes de guerre et de privation dont nous
avons été témoins au cours des décennies et dont nous continuons d'être les
témoins aujourd'hui.
Nous avons tous vu des vidéos déchirantes montrant des
civils innocents, des enfants et des personnes âgées victimes d'une nouvelle
guerre dévastatrice. Ces scènes doivent nous rappeler à l'ordre. La violence n'est
jamais une solution et n'apportera pas la paix, mais des cycles sans fin de
destruction et de calamité.
Nous devons non seulement condamner la guerre et la
violence, mais aussi trouver des solutions pacifiques aux différends et
problèmes en suspens avant d'en arriver à une confrontation militaire. Nous ne
devons pas attendre pour résoudre les problèmes tant que nous le pouvons, avant
de perdre le contrôle des événements. Nous devons accepter les différences de
chacun et apprendre à vivre ensemble dans le respect.
Nous avons tous été horrifiés par la recrudescence de la
violence au Moyen-Orient. Mais la manière dont les conflits, qui durent depuis
une décennie, sont présentés est également problématique. Par exemple, pendant
30 ans, l'appel à une solution à deux États pour les Palestiniens et les
Israéliens a été considéré comme un modèle juste et nécessaire. Les Kurdes ont
également exigé les mêmes droits, mais notre cause a souvent été abandonnée.
Comment peut-on accepter un fervent soutien à une cause juste et un silence
assourdissant pour une autre ? Il est temps de faire mieux. Alors que le monde
cherche des moyens de de résoudre la crise palestinienne, j'appelle à une
nouvelle approche de considérer la question kurde.
L'évolution récente de la situation en Irak est également
préoccupante. Les violations répétées de la Constitution irakienne et le manque
d'adhésion à l'accord qui a conduit à la formation du gouvernement actuel
risquent de déstabiliser le pays et de faire réapparaître le sectarisme et les
divisions entre les principaux groupes.
Si des décisions unilatérales continuent d'être imposées,
le sentiment d'injustice ne fera que s'aggraver. Les sous-produits de ces
facteurs, à savoir la corruption, l'injustice et la pauvreté, s'avéreront des
ingrédients fertiles pour un retour à l'instabilité. L'insurrection se nourrit
de ces conditions. Il est grand temps d'adopter une approche globale de la
gouvernance de l'Irak.
Chers amis,
Pendant que vous êtes parmi nous, je vous encourage à
accepter ce que nous avons à offrir en tant que Kurdes. À travers vous,
j'invite le monde à constater les progrès que nous avons accomplis sur le plan
économique et les communautés qui coexistent pacifiquement sur notre sol. Nous
avons beaucoup à vous montrer.
Puissent nos discussions donner lieu à des idées
novatrices et à des solutions pragmatiques.
Lors de la deuxième journée du Forum, Masrour Barzani a répondu aux questions de la présentatrice en chef de la BBC Maryam Moshiri dans un panel spécial. Les questions portaient entre autres, sur l'avenir de la jeunesse kurde, les droits du peuple du Kurdistan, le pétrole, etc. Ci-après quelques bribes des réponses données par le Premier ministre :
"La jeunesse est l'avenir de ce pays. Je suis fermement convaincu que
nous devons investir dans la jeunesse et donner aux jeunes tous les moyens
nécessaires afin d’exprimer tout leur potentiel."
"Le KRG a signé des contrats avec les compagnies
internationales de pétrole. C’est notre doit et nous n’allons pas y renoncer.
Nous sommes en pourparlers avec le Premier ministre irakien et le ministère du
Pétrole concernant ce sujet."
"Mon gouvernement est centré sur les citoyens. Nous
faisons ce que nous pouvons pour diversifier l’économie et digitaliser les
services publics.
Jusqu’à la mise en service effective de #MyAccount
d’ici fin 2024, nous verrons plus d’un million de citoyens se lancer dans le
secteur bancaire. Le secteur privé sera également tenu de payer ses employés
par l'intermédiaire des banques l'année prochaine, réduisant ainsi sa
dépendance à l'égard de l’argent liquide.
Au cours des prochaines années, nous attendrons :
1. Plus d’un million de citoyens intégrés dans le
secteur bancaire
2. 1 000 guichets automatiques
3. 40 000 terminaux de paiement
L'initiative #MyAccount démarrera à Slemani et
Duhok plus tard ce mois-ci."
"Concernant la diversité dans la région du
Kurdistan : personnellement, je n'aime pas beaucoup le mot minorités car nous
avons payé un lourd tribut au fait d'être une minorité et nous avons toujours
été méprisés. Il ne s’agit pas de majorité et de minorité, mais de diversité de
communautés, de religions et d’ethnies.
Nous avons différentes communautés au Kurdistan et
elles jouissent toutes des mêmes droits. Nous n’allons pas soutenir une
majorité ou un petit groupe : absolument pas. Tout le monde est au même niveau
au Kurdistan."
"L'action a plus de poids que les mots. Regardez le
Kurdistan, qui accueille plus d’un million de personnes déplacées à l’intérieur
du pays en provenance d’Irak et environ 250 000 réfugiés du pays voisin, qui en
dit long sur la position du Kurdistan en matière de droits des différentes
communautés.
Les Yézidis ont le droit de rentrer chez eux. Ils
doivent revenir dignement. Ils ont été victimes de l'Etat islamique et jusqu'à
présent, la situation n'est pas propice à leur retour. Ils veulent rentrer chez
eux, se sentir en sécurité, avoir des services, des écoles et accès aux soins
de santé."
"Je pense qu'il est important que les États-Unis
maintiennent de bonnes relations avec l'Irak et le Kurdistan. Nous aimerions
les voir plus engagés. Ils n'ont pas besoin de se focaliser sur le plan militaire
uniquement. Les aspects économique et politique sont tout aussi importants.
La présence américaine ici est toujours très
nécessaire, et j’en profite pour exprimer ma gratitude aux États-Unis."
"La Chine est un grand pays qui tente d’étendre son
influence, et qui considère l’Irak comme un endroit propice aux investissements,
et je les y encourage fortement."
"Ma vision : j’aimerais voir le Kurdistan se
développer. Je veux que le temps soit une valeur, que la bureaucratie prenne
fin et que tout le monde obtienne des chances justes et égales."
"J'ai la responsabilité de défendre les droits du
peuple du Kurdistan. Mon travail n’est pas de renoncer aux droits
constitutionnels du peuple kurde pour plaire à qui que ce soit."
"Celui qui m'accepte comme partenaire, comme
véritable partenaire, et celui qui est prêt à mettre en œuvre la Constitution
telle qu'elle est rédigée, peut me considérer comme un véritable ami prêt à
améliorer les relations entre Erbil et Bagdad. Je ne cesse de répéter ce
message au gouvernement de Bagdad, et je ne lâcherai pas tant que les droits de
notre région ne seront pas pleinement respectés."
En conclusion, l'interview du Premier ministre reflète un
engagement profond à relever les défis régionaux et internes par une
combinaison de diplomatie stratégique, de diversification économique et
d'autonomisation sociale. Ses politiques tournées vers l'avenir, en particulier
dans les domaines de la dématérialisation, de la lutte contre la corruption et du
changement climatique, témoignent d'un effort concerté pour orienter la Région
du Kurdistan vers un avenir durable et équitable.